Burundi
Les albinos du Burundi, terrorisés, demandent à être protégés depuis que certains ont été tués et amputés de leurs membres qui seraient vendus à des sorciers tanzaniens.
Quarante d'entre eux ont été regroupés par les autorités pour assurer leur sécurité.
Tremblant de peur, le visage fermé, Anicet Nkurikiye, un albinos d'une quarantaine d'années de la région de Ngozi, au nord du Burundi, ne dort plus dans sa maison depuis la nuit du 28 septembre. Vers minuit, des inconnus ont cassé une de ses fenêtres.
Il a crié au secours et les voisins sont intervenus mettant en fuite les malfaiteurs. C'était la seconde fois qu'il était attaqué. "Je viens d'échapper de justesse à deux attentats dont le dernier a failli me coûter la vie. Je sens la mort toute proche", témoigne-t-il à la radio RPA.
Interviewé, il s'est plaint que l'administrateur de la commune à qui il s'est adressé ne semble pas vouloir le protéger, lui et les autres albinos. Ce dernier lui aurait seulement répondu qu'il fallait organiser des rondes de nuit.
L'insécurité se propage
Depuis quelques mois, ces hommes ou ces femmes, qui ont la peau très blanche, les cheveux blancs ou très blonds, en raison d'un manque de mélanine, un pigment de la peau, font l'objet d'une chasse épouvantable.
Leur inquiétude grandissante fait suite aux atrocités perpétrées, au mois d'août dernier, en provinces de Ruyigi et de Karuzi, à l'est du Burundi.
Six albinos en sont morts.
Leurs membres amputés auraient été acheminés vers la Tanzanie à des fins de sorcellerie.
"On raconte qu'avec ces membres associés à des pratiques de sorcellerie, les miniers et les pêcheurs récoltent beaucoup", rapporte un administratif de la province de Ruyigi. Pure fantaisie, ajoute-t-il "c'est plutôt les sorciers qui se cachent derrière des faits obscurs pour tromper les gens afin de s'enrichir".
Ces pratiques sont aujourd'hui évoquées par les médias.
La Tanzanie, pays limitrophe, passe pour jouer un rôle important dans la sorcellerie de la région.
Dans la mythologie rundi par exemple, en cas de conflit entre individus, on disait par exemple "j'irai à Buha (en Tanzanie, Ndlr) pour chercher un mauvais sort que je jetterai sur toi", rappelle un habitant de la région, qui ajoute que ce pays est réputé depuis longtemps être un repaire de nombreux sorciers censés être "efficaces".
Une malédiction au quotidien
Aujourd'hui, face aux menaces qui planent sur les albinos, les autorités administratives ont commencé à les regrouper pour assurer leur sécurité.
En province de Ruyigi, par exemple, plus de 40 albinos sont regroupés au chef-lieu des communes qui ont connu ces problèmes. Des Ong, comme la Croix-Rouge du Burundi, des groupes parlementaires, le ministère de la Solidarité et divers bienfaiteurs leur viennent en aide. Ces regroupements coûtent cher d'autant que les parents d'enfants mineurs albinos les accompagnent, ne pouvant s'en séparer.
Cette insécurité vient aggraver une situation mal vécue par des albinos qui se sentent en permanence frustrés et mis à l'écart parce qu'ils ne se ressemblent pas aux autres.
En témoigne la question cet enfant à sa mère après avoir entendu que les albinos étaient menacés : "Maman, dis-moi, qu'est-ce qui s'est passé ? Pourquoi j'ai la peau différente de celle de mes frères et soeurs ? Est-ce que nous avons le même papa ?".
Les parents pour la plupart non instruits, ont du mal à répondre.
Traditionnellement, quand une femme burundaise met au monde un albinos, on dit qu'elle s'est moquée d'un Blanc quand elle était enceinte...
Actuellement, des associations naissent pour redonner leur dignité aux albinos et éviter de nouvelles violences.
Mais certains d'entre eux aimeraient qu'elles aillent plus loin. Victoria Gakobwa, albinos de 50 ans, célibataire, exprime clairement le désarroi et l'isolement de ces personnes : "Nous avons été maudits. Outre les problèmes d'élimination physique qui naissent ces jours-ci, nous sommes depuis longtemps traumatisés. Nous sommes isolés, repoussés. Personne n'ose nous demander en mariage."
Source : syfia-grands-lacs.info
Lun 27 Oct - 0:38